jeudi 3 décembre 2009

Dieu pense comme moi, et inversement

Nicholas Epley, qui est prof à Chicago, a mené sept études sur des croyants. En l’occurrence des croyants au dieu abrahamique, surtout des chrétiens. Il examine comment ces croyants projettent leurs convictions personnelles sur d’autres personnes, connues ou inconnues, et sur dieu. Epley a fait des études simples, comme des sondages, d’autres plus compliquées, comme des sondages après manipulation discrète de l’opinion du croyant ou des études par imagerie cérébrale. Et donc, il ressort de tout cela que le croyant et dieu pensent souvent la même chose, sur des sujets comme l’avortement, la peine de mort, le divorce, etc. C’est-à-dire que le croyant prête à dieu des convictions sociales, morales, politiques très similaires aux siennes.

Quand on lui demande d’imaginer ce que dieu en pense, ce sont les circuits cérébraux de sa propre subjectivité qui s’allument chez le croyant, pas les circuits de l’empathie utilisés pour se mettre à la place d’un autre. J’aime bien ces études d’imagerie cérébrale, avec leur petit côté voyeur, violation de l’intimité, impossibilité de dissimuler par la parole ce que les neurones produisent réellement dans l’esprit. Enfin j’aime bien dans le cadre d’expériences volontaires, il ne faudrait pas que cela tombe entre toutes les mains et sous toutes les lois. Vous imaginez si les assistantes sociales, huissiers, juges, mandataires judiciaires m’avaient collé un scanner sur le crâne, observant ma parfaite indifférence neurale, tandis que je prenais un air consterné et concerné capable de fendre l’âme d’un mur de prison ?

Pour revenir à nos moutons électriques, il n’y a pas à chier, dieu est vraiment un virus efficace. Si par malheur il rentre dans vos neurones, ce sera difficile de le déloger, il va coloniser toutes vos représentations du monde. C’est peut-être une question d’économie d’énergie. À part certains mystiques, qui surchauffent de la cervelle, dieu est plutôt un alibi de la paresse intellectuelle, une clôture causale à moindre frais : vous avez perdu un être cher, souffert d’un dilemme moral, chopé une sale maladie, assisté à un drame, pas compris un événement important… une explication par dieu sera simple, efficace, vous pourrez penser à autre chose ou ne penser à rien, vous n’aurez pas à vous creuser les méninges, à vous perdre en conjectures, à vous épuiser en hypothèses.

Dieu explique, et cette explication divine apporte bien sûr un certain réconfort, une certaine puissance : on a pigé, les autres ont tort, plus ils prétendent avoir raison et plus ils sont dans le tort. Pas de doute on a vraiment pigé.

Voilà pourquoi il y a tant de croyants dans le monde. De manière générale, voilà pourquoi il y a tant de convictions, si peu de réflexions. Parce que dire « telle est ma conviction intime, profonde », religieuse ou non, cela revient souvent à dire : voilà ce que je crois, je n’ai pas vraiment envie d’en parler ni d’en débattre, vous pourrez dire ce que vous voulez je ne changerai pas d’avis. Et en effet, quand on est avec un croyant, mieux vaut parler d’autre chose que sa croyance.

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