mercredi 2 décembre 2009

Tic tac

Mon bel équilibre de sommeil établi ces dernières semaines s’est à nouveau rompu, après avoir erré comme un zombie suite à une courte nuit, et m’être couché tôt dans l’espoir de faire un tour du cadran, je me réveille peu avant minuit. Je n’aime pas cela du tout, je suis généralement improductif dans de telles situations. Il faut dire que j’aime anticiper les heures à venir, savoir que je dispose d’un certain temps pour certaines choses. Je déteste l’imprévu, en même temps que je déteste les rendez-vous fixés d’avance, qui m’apparaissent comme d’insupportables bornes dans l’horizon de mes actions. C’est aussi pour cela que je sors si peu, quand j’apprends l’existence d’une soirée trop tard, elle m’agace pour son irruption imprévisible, quand je l’apprends trop tôt, elle m’agace pour son obligation prévisible, de toute façon les soirées m’agacent, elles m’agacent en proportion de leur démographie, les gens rassemblés comme des bancs de moules n’y sont vraiment pas au mieux de leur expression, ils se répandent en commerce rapide, superficiel et vain, des faces et des voix de plus en plus lointaines à mesure que l’heure avance, les deux seules choses à faire en soirée m’ont toujours semblé de se bourrer la gueule ou de draguer, et pourquoi pas de draguer en se bourrant la gueule ce qui est généralement la stratégie des timides, mais comme je pratique désormais peu ces choses-là, eh bien les soirées perdent une bonne part de leurs raisons d’être ontologico-pratiques.

Tout à l’heure j’étais convoqué par le commissaire-priseur, enfin la, c’était une dame, une grande Eurasienne élancée. Elle officie dans un appartement transformé en bureaux près de Drouot. Tout paraît un camaïeu de gris, marron et beige, avec des piles incroyables de dossiers, j’ignore comment les gens peuvent survivre au milieu de tels monticules de paperasse, moi qui nourris une solide phobie du formulaire. Elle a du retard, je lis un polar de Nesbo dans un coin, je me dis que je suis une souris qui va grignoter les papiers, sans doute l’effet du manque de sommeil des visions aussi débiles. Le fait est qu’avec ma gueule mal réveillée et ma tenue 4bis de quasi-clochard pas vraiment céleste, je suis au mieux pour négocier un bon accord. Et de fait, l’Eurasienne jette un œil assez navré sur ma liste de patrimoine mobilier composé pour l’essentiel d’ordinateurs vieillis, de meubles Ikéa des années 90 et de bouquins, beaucoup de bouquins certes, mais les créanciers préfèrent les bagnoles et je n’en ai pas. Elle essaie vaguement d’inscrire l’informatique, puis elle sourit et me dit : « Bon, on laisse tomber, pour moi c’est fini avec vous », je dois juste remplir et signer un papelard comme quoi je ne possède pas de 4x4 et suis hébergé chez un pote, et voilà. J’en connais à la Société Générale qui vont encore hurler de désespoir, je suis bien parti pour les enculer une seconde fois. Enfin, il y a quand même la baraque dont je suis propriétaire en banlieue qui va sauter, et ce ne sera pas une mince affaire, vu qu’il y a encore mon ex incrustée dedans. On verra.

La Banque de France m’écrit, suite à ma liquidation. Je suis à nouveau inscrit dans le fameux code 050, et j’ai aussi la cotation XP. Cette fois, le courrier m’explique en détail ce que signifie ce dialecte bureaucratique. Pendant une durée de trois ans, j’appelle une « attention forte » de mes camarades banquiers et financiers, car j’ai planté ma boîte, enfin mes boîtes. Bon. Cela m’indiffère. Plein de gens pleurnichent lorsqu’ils sont ainsi fichés, moi je trouve cela normal, je ne peux quand même pas planter mes banques en creusant des découverts que je ne remplirai jamais et m’étonner ensuite que les mêmes banques nourrissent quelque prévention à mon encontre. Le délai de trois ans me fait même sourire par sa naïveté, j’ai planté mon premier compte six mois après son ouverture, à l’âge de 16 ans, et mon caractère dépensier n’a cessé de s’affirmer depuis. Mieux vaudrait m’en coller pour trente ans, je doute qu’en dehors des neuropathologies on change brutalement de personnalité pendant la quarantaine.

Il fait nuit, copines Peggy et Natacha sont à Londres, j’ai un rencart demain matin et pas sommeil. Je me fais cuire des œufs cocottes au paprika. Je regarde des photos de Stefanie Schneider et je rêve de Berlin. Dans moins de trente jours j’envahirai la capitale du Reich avec l’armée du rêve.

1 commentaire:

  1. " Enfin, il y a quand même la baraque dont je suis propriétaire en banlieue qui va sauter, et ce ne sera pas une mince affaire, vu qu’il y a encore mon ex incrustée dedans. On verra. "

    Décidément, tu ressembles trait pour trait, au mien, d'ex ! c'est hallucinant; je croyais que des situations comme celle-ci ne se rencontraient qu'une fois dans une vie, et pourtant je ne vis pas au pays des bisounours ! MDR !

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