lundi 30 novembre 2009

Trouble dans le Butler

Le Butler réservé voici deux semaines est enfin arrivé à la bibliothèque et je lis donc la bible de la théorie queer. Plus précisément, je somnole à sa lecture. Il faut dire qu’en vieillissant, je comprends de moins en moins la philosophie. J’entends : le sens de l’exercice philosophique. Je lis des mots compliqués, des tournures abstraites, des systèmes biscornus, des constructions bancales, des démonstrations incomplètes, des assertions arbitraires. Peut-être ai-je trop baigné dans la science, son économie de mots et son attachement aux faits, pour apprécier encore l’emphase sinon l’enflure philosophique, évidemment aggravée par le fatal « tournant linguistique » ayant conféré au langage humain de puissantess propriétés dont il est à mon humble avis dépourvu. C’est particulièrement marqué dans toutes les métastases de la French Theory – le mot théorie étant assez beau, j’aurais tendance à préférer le syntagme French Fumistery. Quand les pompeuses déconstructions postmodernes rencontrent les interminables débats entre sous-courants du féminisme, comme chez Butler, le charabia creux à forte charge sectaire atteint son acmé. Mais en disant cela, je ne fais pas tout à fait justice au sentiment que j’éprouve à ma lecture, on pourrait croire après tout à une simple charge poujadiste. Le problème n’est même plus de savoir si les propositions sont vraies ou fausses, si leurs rédacteurs ont tort ou raison, plutôt d’observer que ces auteurs formulent des discours sur des discours, et non pas sur la réalité, que tous ces gens dont parlent Butler (ou qui parlent de Butler) semblent éminemment satisfaits d’évoluer dans ce monde bizarroïdes de mots clos sur eux-mêmes, orphelins de tout référentiel, tournant et retournant dans la prison de quelques cerveaux universitaires semblant encore y accorder sens ou croyance, débouchant parfois d’un seul coup sur des propositions politiques radicales sans que l’on ait le moins du monde compris les tenants et aboutissants intellectuels d’une telle urgence réformatrice. Que l’on parle des femmes, des hommes, des trans, voilà qui m’intéressent grandement ; que l’on construise des systèmes mysticoverbeux dont les femmes et les hommes et les trans réels sont absents, essentiellement remplacés par un échange à distance avec Lévi-Strauss, Lacan, Derrida ou je ne sais quel fantôme du pays du verbe magique, des systèmes qui ne m’apprennent rien sur une réalité que j’ignore pourtant, des systèmes qui paraissent juger superflu de collecter ou rapporter patiemment des faits et de bâtir là dessus quelques hypothèses, démonstrations ou conjectures humblement ouvertes à la critique, préférant le triomphalisme trop visiblement idéologique de celui ou celle qui entend d’un tournoiement de baguette magique révolutionner notre approche des choses, voilà qui m’indiffère totalement. Comparez dix pages de Butler et de Califia, vous comprendrez tout de suite mon propos.

Et sinon,  pour revenir à des éléments plus essentiels à la vie de nos cellules, je vous conseille vivement de goûter la miche de pain de campagne aux noisettes que l'on trouve dans les Monoprix parisiens, au prix raisonnable de 1,90 euro, miche que je dévore présentement avec les excellents carrés Sylphide à 7,5% de matière grasse – enfin excellents, entendons-nous, ce n'est pas un vieux Cantal hospitalier aux vers ni un Epoisses généreux en marc de Bourgogne, mais pour les adeptes de l'allégé, c'est fort comestible, et de surcroît ces carrés Sylphide s'ouvrent mieux que leurs concurrents Bridelight.

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