Comme je nageais une brasse impassible, l’œil rivé sur la sexagénaire dont le dos méthodique se calait sur mon propre rythme d’avancement, je me demandais si mes flatulences pouvaient faire office de propulseur en milieu aqueux, et là-dessus, je m’interrogeais en arrière-plan sur la nécessité de partager de telles pensées dans ce journal. Il me venait que depuis Nietzsche, Wittgenstein, ou même avant Montaigne, nos expériences ordinaires, et le langage les décrivant, peuvent très bien faire l’objet d’une réflexion ouverte. Ceux qui s’en chagrinent à l’antienne de la «montée de l’insignifiance», ce sont les orphelins d’une philosophie et d’une métaphysique déjà mortes, ces fantômes croyant que l’on pouvait spéculer des volumes et des volumes sur des grands mots vides de référence dans la réalité et laissant donc au langage humain tout loisir de disserter dans le vide parfait, ces divagations donc qui ont bâti sur du sable d'immenses systèmes appelés à s’effondrer – et de fait effondrés avec force fracas.
Donc, le pet paraît un phénomène aussi discutable que l’esprit, l’âme ou je ne sais quelle généralité dont, au bout du compte, seule la science fabrique encore de grands récits explicatifs, laissant les autres discours à leur vanité ou leur vacuité. La science nous parle certainement aussi des flatulences, mais ces dernières peuvent néanmoins faire l’objet d’un discours non scientifique. Il est loisible à l’Homo sapiens de développer ainsi une chaire de sociologie du pet à la Sorbonne ou un Collège de philosophie du vent à Normale Sup, de même que je peux ici, et bien plus modestement, m’interroger à la manière analytique sur les conditions de vérité de la proposition «X pète souvent depuis qu’il a commencé un régime Dukan».
Au bord du Canal Saint-Martin, je croise sur le chemin du retour une boutique qui m’intrigue, Hortus Verde. Ma paresse congénitale est plus précisément attirée par un panneau indiquant «vraies plantes et fleurs stabilisées, sans eau, sans lumière, sans entretien». Dans un coin de mon appartement j'ai commencé des cultures de plantes grasses, qui demandent déjà peu d’effort au jardinier ingrat, mais cette offre me paraît encore un cran supplémentaire dans l’inertie. Des plantes vertes sans la main de même couleur, voilà qui me plaît bien. J’apprends que les propriétaires du lieu ont développé une technique de stabilisation des végétaux qui, une fois trempés dans un élixir de leur composition, arrêtent net leur photosynthèse et leur croissance, tout en évitant le pourrissement, du moins en milieu sec. J’en achèterai à l’occasion, mais ce n’est pas donné.
A peine quelques heures de sommeil, une matinée chargée et encore plein de choses à faire. Il est temps de préparer ma galette Dukan, premier met solide depuis 7 h. Oh à propos, j’avais noté quelque part de vous confier mon secret coupe-faim. Vers 2 h cette nuit, toujours insomniaque mais voyant se rapprocher l’heure du réveil imposé par un rendez-vous téléphonique aussi matinal qu’importun, je me suis fait une galette salée histoire que la sarabande des enzymes digestifs affaiblisse un peu ma vigilance. C’est la galette Dukan classique, mais à laquelle j'ai ajouté un mélange d’herbe «grillades mexicaines» de chez Ducros, et sur laquelle j’ai fait fondre deux carrés fromage Bridelight 3 %, ceux qui ont un vague goût de Vache-qui-rit. Eh bien c’est dé-li-cieux, croyez-moi.
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