mercredi 16 septembre 2009

Le mince comme volonté et comme représentation

67,0 : ce sont les chiffres qui apparaissent ce matin sur l’écran de copine Terraillon. A ce rythme, je devrais atteindre mon objectif de 66 kg après un mois tout rond de régime. Serais-je croyant que j’irais brûler deux cierges au Maître. Mais je suis mécréant, et je brûlerai seulement deux kreteks – des cigarettes indonésiennes au clou de girofle, que l’on trouve au tabac de l’Odéon sous la marque Djarum.

Je suis très surpris par la facilité avec laquelle j’ai fondu. Les premiers jours furent certes difficiles, et ce journal en porte les traces, mais le rythme de croisière s’est imposé assez rapidement. Des régimes minceur, je connaissais la réputation de calvaire : ce n’est pas ainsi que je le vis.

Il faut dire que je suis un maigre de nature. Cela ne veut peut-être pas dire grand chose, mais quand même : de la naissance à 20-25 ans, j’étais maigre comme un clou. Et à l’instar de beaucoup d’hommes, l’embonpoint m’a fondu dessus au cours de la trentaine. Reste que malgré une enfance et une adolescence placées sous le signe de la malbouffe intégrale, je ne prenais rien de rien et je traînais ma carcasse aux angles aigus. Je suppose qu’il y a là des raisons métaboliques innées, certes capables de se dérégler avec le vieillissement, mais donnant quand même une bonne base par rapport à ceux qui prennent inexorablement 500 grammes en grignotant deux barres de céréales. La vie est injuste, mais ça on le savait.

Un autre facteur est probablement mon sexe – pas mon pénis, non, mon genre, mâle. Encore une affaire d’hormones : puberté, grossesse et ménopause sont des étapes souvent délétères pour la silhouette féminine, qui possède à la base une moindre masse musculaire. On connaît depuis la préhistoire des Vénus callipyge, mais pas d’Apollon fessu, ventru et cuissu. Que la fécondité rime parfois avec obésité devrait faire réfléchir les poules pondeuses dont les poussettes piaillardes polluent mes paisibles promenades.

Et puis une autre cause de ma fonte régulière et rapide, c’est tout de même la victoire de la volonté tendue vers le CORPS de RÊVE. Un changement radical du mode de vie, et pas une faiblesse : je ne suis pas mécontent de tous les petits efforts pour réprimer la faim et l’envie – aujourd'hui encore, je trainais à l'épicerie du Bon Marché sans prêter la moindre oreille aux hurlements affamés de mon estomac. Cela contredit agréablement, et même étrangement à mon propre regard, la pente fataliste où je roule habituellement et selon laquelle ce qui doit arriver arrive, notre sagesse consistant surtout à devenir les spectateurs détachés de ce destin déjà tracé. Evidemment, cela ne fait jamais que trois semaines et demi, il est fort difficile de conjuguer l’intensité et la durée. Surtout pour moi dont l’enthousiasme évolue en dents de scie.

Pour tempérer ces satisfecit menaçant de devenir arrogants, je n’ai pas tout à fait échappé à l’effet PMG, malgré l’exercice physique. Mes jambes et mes fesses ont maigri, comme mes bras mais eux se sont clairement musclés. Mon ventre reste une poche de résistance, un territoire occupé par les derniers régiments de l’armée d’occupation adipeuse, même s’il a perdu de sa réplétion par rapport à l’époque où il faisait principalement office d’outre à vinasse.

Tout le travail de stabilisation est à venir, et j’ai horreur de ce mot : la vie n’est pas stable, c’est même son instabilité qui la rend vivante, les déséquilibres permanents changeant la donne et ouvrant la possibilité d’une différence. La répétition, c’est bon pour les minéraux et les morts. Et mon corps n’en est pas encore.

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