samedi 26 septembre 2009

Tous nos préjugés viennent des tripes (©FN)

L’Insee a sorti une étude sur la consommation des Français depuis 50 ans. Voilà qui nous en dit plus a priori qu’un traité de sociologie, un opus de philosophie et une thèse d’anthropologie réunis. La part relative de l’alimentation a baissé (38 à 25% du budget total), mais le budget a néanmoins augmenté en termes absolus (1470 à 2640 euros constants). Donc, on bouffe de plus en plus pour de moins en moins. Michel Duée, chef de la division conditions de vie des ménages, observe : «Les plus aisés consomment plus de fruits, de légumes et de poissons, alors que les plus modestes plus de graisses et plus de sucres». Non seulement ils sont pauvres, mais ils se rendent malades, ces cons.

Je vois aussi que les dépenses de communication, de loisir et de culture ont connu une augmentation de 10 à 16%. Malheureusement, impossible de trouver un chiffre spécifique «culture». L’Insee explique que les dépenses de téléphonie ont quintuplé, que les appareils électroniques genre magnétoscopes ou écrans plats tirent cycliquement à la hausse, mais rien sur ce que l’on peut appeler la «culture», les journaux, les livres, les disques, les films, les visites de musée, etc. Les «biens pour les loisirs» sont passés de 3,5 à 4,0, et les «services de loisirs hors tourisme» ont stagné à 1,8. Je suis peut-être pessimiste, mais j’ai l’impression que le grand tralala sur la démocratisation de la culture n’a pas produit grand chose et que le peuple a juste changé un peu la composition de son opium.

En me promenant dans les jolies rues entre le faubourg Saint-Antoine et la Seine, je pensais à la question de l’argent, je crois qu’un mendiant m’y a conduit. La liberté de pensée, c’est essentiel. Mais cela ne me suffit pas, et j’ai l’impression que l’on a gavé ma génération avec cette liberté de pensée pour faire un peu oublier sa sœur, la liberté de l’action. Parce qu’au départ, c’est cela la liberté, faire et pas seulement penser ce que l’on veut. Or de ce point de vue, certaines observations de Marx n’ont pas tellement vieilli.

Nos sociétés modernes, bourgeoises ou libérales, on les appelle comme on veut, ont dès le départ proclamé des libertés formelles de l’individu, sans que les libertés réelles soient toujours au rendez-vous. Pour une raison simple : la liberté réelle suppose les moyens de l’exercer, et ces moyens se résument désormais quasiment à un seul : l’argent. Je suis libre de faire plein de choses sur le papier, mais concrètement, je dois gagner ma vie pour les réaliser. Dans le même temps, tout coûte cher, les besoins de base comme se nourrir, se loger, se transporter absorbent déjà une part énorme des revenus (66% d’après l’Insee, les deux-tiers). Donc on doit se prostituer pour des travaux alimentaires qui nous grignotent un maximum de temps de cerveau disponible et, bien souvent, ne procurent qu’un mimum vital. Pendant que s’accumulent et s’alimentent les désirs de faire des choses hors de portée monétaire. Remarquez, y’a rien de nouveau sous le soleil, il y a toujours eu une majorité ayant nettement moins de possibilités d’expression et d’action qu’une minorité. Mais au moins, on ne faisait pas semblant, le système symbolique et matériel assignait chacun à sa caste. 

Tout cela est bien sérieux, probablement parce que je suis encore constipé – Nietzsche ne disait-il que «tous nos préjugés viennent des tripes» quelque part dans Ecce homo. Il est tard. J’espère que le yakutl du soir potientalisera Probio’Vit du matin, que les milliards de bactéries et levures déchaînées vont siphonner mon tube digestif comme un Destop.

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