mardi 17 novembre 2009

Colis perdu et guerre civile

Un colis expédié qui n’arrive jamais, affaire banale. Le gars du bureau de Poste me dit d’aller sur Internet, mais l’interface de réclamation est plantée. Idem pour le numéro d’appel, qui produit un son discordant quand on est enfin mis en relation après cinq minutes d’attente. Quant à l’autre colis, celui que j’attends de Hong kong depuis un mois, la même Poste ne peut rien me dire si je n’ai pas de numéro de traçabilité. En clair, vos colis expédiés et attendus sont on-ne-sait-où, allez vous faire foutre.

En méditant à cela, je me dis que c’est pénible de vivre dans un pays où l’on n’a aucune confiance en autrui, et que ce doit être inversement très reposant de ne pas vivre en régime de défiance permanente. La première idée qui me vient en tête pour mes colis, c’est un truc du genre : « encore un demi-débile mental qui n’a pas su lire l’adresse, ou qui a carrément gardé le contenu pour lui ». C’est peut-être faux, mais le fait est que c’est ma pensée spontanée. De même je pense spontanément, et cela n’a donc rien à voir avec le service public, que mon garagiste va me gruger, que mon assureur va me rajouter une clause perfide, que mon banquier va m’entuber sur les frais, etc. Bref qu’autrui est un antagoniste par principe, une personne fiable ou simplement bien disposée par exception.

C’est une différence que je repère à mille détails dans les pays germaniques et surtout nordiques. Par exemple là-bas, vous arrivez dans une station service, vous vous faites un café dans votre coin, vous ne payez qu’en partant, sur simple déclaration de ce que vous avez consommé. Dans certains coins, on trouve encore les journaux payants en libre distribution, c’est à vous de mettre volontairement la pièce quand vous en prenez un.

Les Français ne s’aiment pas, ils s’aiment de moins en moins. Je vois dans le journal que les violences aux personnes, qu’elles soient sexuelles (très minoritaires) ou non sexuelles, sont en hausse pour atteindre désormais 5,1 % de la population. Une personne sur vingt qui devra subir une agression. La fraternité de la devise républicaine paraît plus artificielle que jamais. Les Français ne s’aiment pas pour des tas de raisons, notamment parce que leur existence collective a été fabriquée par l’État, et que sans cet État gendarme Big Brother ou cet État nourricier Big Mother, ils se foutraient volontiers sur la gueule entre riches et pauvres, provinciaux et parisiens, blancs et noirs, religieux et athées, chrétiens et musulmans, etc. Déjà à l’époque où les groupes étaient plus petits et plus homogènes, la violence et sa conjuration étaient la grande affaire de tous et de chacun, les récits anciens regorgent de guerre, de vengeance, de drame. Alors aujourd’hui où j’ignore tout de mon voisin de palier, en dehors du fait qu’il vole les rares paquets que le postier n’a pas détruits, je ne vous dis pas. On croise les doigts en espérant que la consommation et le spectacle suffiront à endormir les humeurs belliqueuses, à endormir le cerveau tout court dans une anesthésie générale du dernier homme heureux de ne plus penser à rien. Et cela marche, pour le moment, mais il serait bien fou celui qui croit à l’extinction définitive des mauvais instincts. Ils sont juste réprimés transitoirement, prêts à resurgir dès que la situation le permettra, ou même l’exigera pour la survie.

Tout cela pour un paquet perdu, c’est vous dire mon humeur, Soulages pourrait y tremper son pinceau…

3 commentaires:

  1. Pratiquant l'Allemagne de temps en temps, j'avais déjà remarquée cette différence.
    De toute façon il n'y a qu'à écouter la pub pour la lutte contre les fraudeurs (ou le fraudeur met en danger toute la société) ou celle pour la vaccination contre la grippe pour comprendre que cette défiance de l'autre est un vrai fond de commerce qui doit s'entretenir...
    Maintenant je ne suis pas sur qu'il y ai moins de colis perdus en Allemagne.
    En tout cas, ça à l'air d'aller mieux vous :o)

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  2. Que j'aime ce billet ! paradoxalement, peut-être,j'y trouve une humanité mois amère que d'habitude ! ou plutôt moins sardonique, moins cynique ! Blésseé, certes, écoeurée sans doute, mais avec une belle épaisseur ! enfin, c'est comme cela que je le ressens.

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  3. Ah ben c'est ça, dites que je suis épais, après tous mes efforts, pff.

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