mercredi 11 novembre 2009

A quoi rêve la rame Météor ?

11 novembre : les thanatophiles déjà excités par la Toussaint en remettent une couche et déposent leur gerbe à l’ombre des monuments aux morts pour la France. On devrait surtout en faire la journée mondiale de la connerie humaine, mais le thème est si vaste qu’il y faudrait plus d’une journée.

À la radio on cause du déclin de la presse et de la métamorphose de l’information. Comme d’habitude, des journalistes pleurnichent sur le sort d’autres journalistes, la plupart survivant non de l’intérêt de leurs lecteurs, mais des perfusions de l’État, c’est-à-dire des contribuables sauvant une presse qu’ils ne lisent plus. Et pour cause : tout le monde vient désormais sur ce blog pour y trouver une information vérifiée, certifiée, sourcée, une information d’une transparence sans équivalent ailleurs – je ne suis même pas dépendant des annonces Google que personne ne clique d’ailleurs, vous pourriez faire un effort, merde.

Cela me fait marrer, le marronnier de la mort du journaliste sur le champ d’honneur de l’information vraie de vraie. Même un chercheur travaillant dans un cadre rigoureusement orienté vers l’objectivité a du mal à produire des travaux libérés de la doxa. Et le journaliste moyen, avec ses trois ou quatre ans de formation dans une école de plouc, sa culture générale à deux balles, ses opinions éclairées sur la marche du monde, ses déterminations de classe, de sexe, de race, de tout ce que l’on veut, ses copinages endogames dans la caste des manipulateurs de symboles, ce journaliste donc, il va nous pondre spontanément de l’information pure et totale, pas déformée, pas biaisée, pas triée ? Mon cul. De toute façon, cette idée même d’information objective n’a pas de sens, à la fois parce que le langage humain est une usine à ambiguïté et parce que le cerveau humain est incapable de se libérer de la subjectivité, laquelle est en dernier ressort l’incarnation d’une pensée dans un certain corps et un certain contexte.

Hier, soirée autour d’un excellent couscous. Le régime Dukan a produit son effet impressionnant sur copain PH, dont la physionomie a changé en même pas six semaines. Loué soit le Grand Maître Cosmique du Son. Copine Sarah nous parle de ses mésaventures dans le domaine éditorial, où copine Peggy a d’ailleurs connu les mêmes, et copine Natacha dans le domaine photographique. Tout cela est assez convergent. En gros, on observe qu’à un moment de la chaîne de décision survient le couperet de la normalisation, généralement à finalité commerciale («c’est super votre truc, mais il faut penser au lecteur / spectateur / etc.», sous-entendu que ce consommateur ultime a besoin de repères bien balisés, de ne surtout pas être bousculé dans ses habitudes mentales, etc.). Une formidable machine à uniformiser.

On parle aussi de sexe, car j’ai lu un bouquin marrant (édité par copine Sarah) sur les perversions féminines au XIXe siècle. Enfin marrant, façon de parler. Figurez-vous qu’il arrivait, rarement mais tout de même, aux médecins de préconiser la clitoridectomie pure et simple pour les jeunes filles ayant le malheur de se masturber trop souvent, masturbation où nos ancêtres éclairés voyaient la cause fatale de toutes sortes de tares et dégénérescences, surtout quand la masturbatrice était pauvre et analphabète. La même France qui colonisait le monde du haut de sa mission civilisatrice charcutait donc la fillette dans ses campagnes, sous le signe du progrès médical et scientifique. Copain PH me précise que les hommes n’étaient pas épargnés par ces folies elles aussi normalisatrices, et que jusqu’au début du XXe siècle, on greffait des extraits de couilles sur les patients homosexuels – les bourses d’un courageux soldat, honnête travailleur et bon père de famille malheureusement décédé étant censées remettre l’inverti dans le droit chemin de la virilité. Effrayant. Il faut que je note tout cela pour mon projet de Pop Sex Manifesto, un futur outil de dénormalisation du corps.

En parlant de corps, j’ai mal partout ce matin car j’ai été agressé hier par un robot, en la non-personne de la rame de métro automatisée de la ligne 14, dont la double porte s’est refermée sauvagement sur ma gueule alors que j’y pénétrais en pensant à autre chose et en ne prêtant pas attention à la stridente sonnerie par laquelle la machine ordonne à l’homme son comportement docile. Cette saloperie m’a cisaillé les côtes, je n’arrive pas à trouver de bonne position pour dormir. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais sacrifier aux haltères et au tapis de gym.

1 commentaire:

  1. Aucune compassion à attendre du robot Météor !
    Si l'on tente le forcing, activité vivifiante et traditionnelle sur les autres lignes, on se retrouve ici immanquablement englouti vers l'intérieur de la rame, avec coups et blessures garantis ! Moi j'y ai laissé un pantalon.
    En revanche le regard des autres usagers réconforte, ils font les yeux tout rond et un geste de la main qui dit "non non non" ! mais c'est trop tard...

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