samedi 31 octobre 2009

Antoine découvre la Toile

Dans Le Monde, Antoine Gallimard pond une tribune intitulée «e-book la grande braderie». C’est long, c’est lourd, c’est creux.

D’abord monsieur Gallimard se plaint que le numérique massacre les savoir-faire ancestraux de l’édition. On rigole : la multiplication des fastbooks pilonnés trois mois plus tard chez les grands éditeurs et la prolifération de certaines productions minables chez les petits éditeurs les ont déjà largement massacrés dans le monde papier.

Ensuite, monsieur Gallimard assure que la numérisation est une nécessité et que les éditeurs l’ont bien compris. On se marre : il a fallu attendre l’été 2009 pour voir péniblement annoncée la plateforme numérique Eden-Livres (Gallimard-Flammarion-La Martinière), toujours pas opérationnelle à ma connaissance, alors que le grand méchant Google Books a été lancé… en 2004. Une réactivité à cinq ans, cela paraît sans doute normal dans les salons feutrés et germanopratins, on ne peut pas être aux petits fours et au clavier, n’est-ce pas. Quant au concurrent Numilog de Hachette, leur site ressemble un peu à une page perso.

Et puis ils se préparent des lendemains qui déchantent, les camarades éditeurs. Je vais sur Numilog et je prends le premier roman venu, 1974 de Besson. Certes, il ne viendrait à personne l'idée de l'acheter, mais enfin il est au top dans sa catégorie au moment où je clique. Cela coûte 12,50 euros en format ePub. Et je vois la précision en petit à côté : 14 euros au format papier. L’art et la manière de vous prendre pour un con. Un livre électronique supprime le coût de l’impression et du stockage, l’intermédiaire de la diffusion et de la distribution. Antoine et consorts voudraient donc nous faire croire que l’économie réalisée en éliminant ainsi le papier et la colle, les hangars et les camions, les cartons et les timbres, les imprimeurs, les libraires, les commerciaux, les chauffeurs serait de… 1,50 sur 14 euros, soit à peine 10% ? Continuez sur cette lancée, vous garantissez les beaux jours du piratage. Ou des multinationales américaines.

2 commentaires:

  1. Je me permettrais quelques rectifications :
    - la plateforme Eden-Livres a été annoncée au salon du livre en mars 2009
    - la plateforme fonctionne depuis plus d'un mois (allez faire un tour sur la partie téléchargement sur la Fnac, vous trouverez le Goncourt en format numérique).
    - ne mettons pas tous les mêmes éditeurs dans le même panier: la production Marabout est différente de la collection Blanche
    - Quand au prix, Le Seuil effectue une décôte de 20%, Flammarion de 25% alors que la TVA est à 19,6% (contre 5,5 % pour le papier). Il ne faut pas confondre coût marginal et coût unitaire, les investissements liés à la création des plateformes ne sont pas égals à 0 ni même rentabilisé par des années d'exploitation.
    Un peu de sérieux tout de même

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  2. > la plateforme Eden-Livres a été annoncée au salon du livre en mars 2009
    OK. Donc entre mars et juillet, cela fait en gros 50 et non pas 55 mois par rapport à l'annonce Google Books que je prenais en référence.

    > la plateforme fonctionne depuis plus d'un mois (allez faire un tour sur la partie téléchargement sur la Fnac, vous trouverez le Goncourt en format numérique).
    OK, Eden-Livres n'est pas une plateforme de vente directe, mais s'est maqué avec des distributeurs, au moins avec la Fnac. Je trouve en effet sur le site Fnac le prix Goncourt en format numérique à 15,20 euros au lieu de 18,05 euros en format papier. 2,85 de ristourne, soit 15,8% du prix papier.

    > ne mettons pas tous les mêmes éditeurs dans le même panier: la production Marabout est différente de la collection Blanche
    En fait, si, je les mets tous dans le même panier, même s’ils diffèrent en effet. D'un point de vue pratique, parce que j'achète un objet fait de papier et de colle, quel que soit le contenu, et que je compare cela à un fichier numérique. D'un point de vue philosophique, parce qu'écrire Mon régime minceur (Maître Dukan) ou Un roman français (Esclave Beigbeder) relève de la même activité, produire un texte imprimé en série. Les classements entre « vrais » et « faux » livres, cela consiste simplement à valoriser ce qu’on aime.

    > Quand au prix, Le Seuil effectue une décôte de 20%, Flammarion de 25% alors que la TVA est à 19,6% (contre 5,5 % pour le papier). Il ne faut pas confondre coût marginal et coût unitaire, les investissements liés à la création des plateformes ne sont pas égals à 0 ni même rentabilisé par des années d'exploitation.
    - Si la Fnac (ou autre) développe la commercialisation, l'éditeur (propriétaire du fonds) n'a pas d'autres frais que produire le fichier numérique. Si la Fnac prend une marge énorme pour que ses robots enregistrent des cartes bancaires et envoient des fichiers numériques, eh bien ce sont probablement des escrocs.
    - Le passage de l'objet physique à l'objet numérique ne représente que 40% d'économie dans la meilleure hypothèse (25% Flammarion + 14% TVA) et souvent moins (cf divers prix constatés). La répartition moyenne des coûts de production d’un livre pour l’éditeur, c’est environ 5% de charges fixes, 10% d’édition (maquette, correction), 10% d’auteur, 20% d’imprimerie, 55% de diffusion et distribution. Si distribuer-diffuser un fichier de 500 ko sur une plateforme informatique unique représente le même coût que diffuser quelques milliers d’objets imprimés chez 10.000 libraires dispersés sur le territoire, il faut m’expliquer pourquoi.
    - On peut déplacer l'angle de vue : pour dupliquer un fichier pdf et l'envoyer, cela me prend 30 secondes environ. C'est le coût de référence de l'objet fichier dans la logique des utilisateurs-consommateurs. Les producteurs (et les diffuseurs) ne le comprennent pas, donc ils appellent les flics. Mais ce n'est pourtant pas compliqué à comprendre. Quand vous achetez un congélateur, c'est pareil, vous pouvez essayer de le dupliquer et l'envoyer à un ami. Et des tas de gens ont travaillé à concevoir le congélateur (des chercheurs, des ingénieurs, des designers, etc.), ce qui est l'équivalent du temps passé par l'auteur à concevoir le modèle original.

    > Un peu de sérieux tout de même
    Pourquoi pas.

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