jeudi 15 octobre 2009

La mobilisation des corps

Après l’avoir laissée trois jours sous son blister, je déguste enfin ma rétrospective Mikhailov. Comme ce détail de la série Susi and Others, parmi mes favorites, on n’y voit pas vraiment des CORPS de RÊVE. Ce que j’aime chez Mikhailov, comme chez Arbus et quelques autres, c’est la non-idéalisation de leur sujet, un sentiment immédiat de distance, pour moi le contraire d’une tradition française à la Cartier-Bresson, Ronis ou Depardon, tradition qui m’ennuie avec ses images d’Epinal ouvrières, paysannes, citadines, ce monde toujours propret, toujours digne, sale juste comme il faut, surtout pas trop.



Aux dernières nouvelles, le gouvernement entend interdire la vente de tabac sur Internet, augmenter de 10 % le prix du paquet, agrémenter ce même paquet de photographies de poumons calcinés, mâchoires édentées, faces livides en phases terminales. Les instances locales de la biopolitique universelle ont parfois recours au CORPS de CAUCHEMAR pour asseoir ainsi leur emprise, les nazis faisaient dans le même registre avec des portraits de « tarés » et « dégénérés » censés souiller le sang aryen. Ce point Godwin est-t-il déplacé ? Oui bien sûr, les nervis nazis voulaient le mal, les serviteurs de Sarkozy veulent notre bien. Mais un pouvoir qui veut mon bien, moi, cela me rebute. Je ne demande pas au pouvoir de disparaître car je crois la chose impossible, un pouvoir qui prétendrait avoir disparu aurait sans doute réussi la plus effrayante dissimulation de son omniprésence. Non, je demande à tous les pouvoirs, s’il me condamne à quelque servitude, d’avoir pour seule honnêteté de ne surtout pas le faire au nom de mon bien ni de mon mal, de le faire plutôt au nom d’une quelconque raison qui leur est propre et que je puisse juger comme telle.

Il me prend comme une envie de pisser de passer le jour de l’An en Allemagne, et je regarde aussitôt le tarif Paris-Berlin sur le site de la SNCF. Pour trois personnes, l’aller seul coûte 546 euros. En voiture, c’est 130 euros carburant et péages compris. Au lieu de nous gonfler les gonades avec des généralités généreuses sur l’effet de serre, les développeurs durables devraient plutôt donner de bonnes raisons de préférer le rail à la route ou à l’avion. L’Allemagne en hiver, c’est aussi reposant qu’un épisode de Derrick, et assez de loin de la France que je n’aime guère en cette période précise. Tout y est en demi-teinte, sauf le 31 décembre au soir où, là-bas, ce sont les habitants qui font exploser à chaque coin de rue des mini feux d’artifice, dans un joyeux déchaînement général. Avant de reprendre le lendemain leur pose placide et pastel. J’avais passé de bons moments à Cologne à la dernière Saint-Sylvestre, et je n’ai pas mis les pieds à Berlin depuis une bonne dizaine d’années.

Dehors un froid de canard, tant mieux. Sauf qu’hier j’ai dû quitter un 96 trop bondé pour mes nerfs à vif et m’engouffrer dans une ligne 4 surchauffée. Absolument atroce ces variations de température, vous ne pouvez pas quitter vos habits, vous sentez au bout d’une station la sueur perler à tous vos pores, cela poisse, cela froisse, les gens se collent dans une glu informe, vous repartez sac humide dans le froid sec. Dire que certains subissent ce supplice deux fois par jour ouvrable. Incroyable plasticité humaine, il faut toujours le retard de quelques générations pour contempler ce que des ancêtres ont été capables de subir sans broncher.

3 commentaires:

  1. Je t'ai découvert hier au hasard de mon surf.
    Un réel plaisir que de te lire ! (et beaucoup d'éclats de rire).
    Cat

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  2. En ce qui me concerne je te suis depuis 2 semaines à peu près, je suis le régime dukan et j'ai trouvé ton journal lors d'une recherche google ! çà change vraiment des blogs des dukanettes. Tu as déjà gagné une lectrice pour ton prochain livre

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  3. Copine Cat, copine Georgina : merci !

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