dimanche 11 octobre 2009

La loi des jungles arborescentes

65,8 kg de poids total, dont 30,5 kg de muscles, cela me fait un très honorable 46,4 % en taux de masse musculaire. Encore le Fruits-n’Fibres pris à mon retour de banlieue n’a-t-il pas fait son effet, et je me pèse juste après le dîner. Je décide donc de mouvoir ce corps en voie de régénérescence vers la librairie du Centre Beaubourg. C’est l’avantage de Paris, vous pouvez acheter des livres d’art un dimanche à 20 heures, chose évidemment impensable en banlieue ou en campagne, où seuls s’offrent à votre appétit intellectuel dominical des magasins de bricolage dans les ZAC ou des fleuristes devant les cimetières.

Il tombe une légère bruine, les passants sont rares, la petite rue de Beauce luit joliment dans la douceur vespérale. En marchant des idées me viennent pour mon roman, pas vraiment des scènes bien nettes ou des phrases déjà formulées, non, plutôt des sortes de perspectives nouvelles dans la vision du narrateur.

Dans le grand hall de Beaubourg, des femmes en cercle font un happening, elles murmurent en boucle «ouvrez vos sacs, ouvrez vos sacs, ouvrez vos sacs…» devant des vigiles un peu interloqués qui se sentent probablement visés.

Je claque mes derniers deniers dans le catalogue d’une rétrospective Mikhailov, 24 euros au lieu de 49, je fais des économies pour ainsi dire. Un peu plus tôt dans la journée, et par la grâce d’Internet, j’avais fait l’acquisition d’un second crâne de singe à Bangkok – ne me demandez pas pourquoi j’achète ainsi des squelettes de primate en série, je n’en sais foutre rien, cela fait partie de mes micro-intuitions intrusives, je ferai un jour quelque chose de ces crânes, ou bien rien peut-être, mais là je sais que leur grimace si familière attire mes lèvres. Si tant est qu’ils franchissent la douane.

De quoi la semaine prochaine sera faite, telle est la question. Ma demande de RSA est bloquée parce que je n’ai pas d’avis d’imposition 2008. Et c’est délicat de secouer les puces du fisc pour l’avoir un peu plus rapidement, vu que pendant trois ans je me suis abstenu de parler à ces braves gens. Qu’ils me rendent la petite monnaie de ma grosse pièce en lambinant d’un centre des impôts l’autre, c’est de bonne guerre. J’ai décidé de mettre en vente un paquet de livres et de DVD sur la Marketplace d’Amazon, mais j’ignore tout du rythme auquel ce genre de marchandises s’écoule.

Sur mon espace du Pôle Emploi, je reçois des offres de job sans grand rapport avec mes demandes. Tant mieux, je ne suis pas pressé de perdre mon matricule chômeur, qui va m’être utile, et même indispensable dans les semaines qui viennent, pour achever la partie de billard à cinq bandes que je joue avec mes créanciers. Petit Bouc m’avait prévenu que le « logiciel intelligent » produit des arborescences, et que si aucun emploi ne répondant aux critères se présente, il propose tout de même des solutions plus ou moins approchées. Cela doit s’appeler le déclassement assisté par ordinateur, vu que les arborescences en question plongent leurs branches vers des boulots de plus en plus précaires et mal payés. Pendant ce temps-là, la Ferrari bouffe des macarons Ladurée en salaire de ses bons et loyaux services à l’inéluctable abrutissement du monde.

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