mardi 13 octobre 2009

La conjuration des femmes sans nom

J’en étais sûr. Voici quelques jours, j’avais écrit un texte pour attirer le gros con. Et par la grâce de Google, j’ai eu hier ma première visite de gros con avec le mot-clé « bite énorme ». Ce doit être épatant, la vie intérieure d’un individu qui googlise « bite énorme ». Enfin, je ne porte pas de jugement, cela relève plutôt d’une simple curiosité anthropologique.

Il semble que Maître Allen a voulu tester ma volonté. Nous sommes le 13 mais pas un vendredi, et pourtant la gestionnaire du surendettement de la Banque de France m’appelle à 9h15 pour me dire que mon dossier est refusé. Il n’aura pas fallu 24 heures pour briser mon bel optimisme. Elle ne se présente pas, elle a un ton aussi agréable qu’une matraque. Cette femme sans nom répugne à répondre à mes questions, elle est visiblement payée pour notifier les refus sans les expliciter. Je dois être la simple ligne d’une longue liste. La raison avancée après que j’ai insisté : mes dettes professionnelles ne peuvent être traitées avec des dettes personnelles. J’objecte que les créanciers ne font pas de réelle différence quand ils m’en mettent plein la gueule, mais la femme sans nom s’en contrefout. Elle me dit de régler d’abord mon problème professionnel auprès du tribunal de grande instance de Paris. Que j’appelle et qui se déclare incompétent, je dois voir avec le tribunal de grande instance de Créteil. Que j’appelle et qui se déclare incompétent, je dois voir avec le tribunal de commerce de Créteil. Que j’appelle et qui se déclare compétent : je dois remplir un nouveau dossier de 10 pages pour être liquidé. Pas physiquement, remarquez bien, mais à ce rythme cela reviendra au même. Je connais ce dossier et je souhaitais l’éviter, on y demande des choses que je n’ai pas, des comptes annuels, des états de trésorerie courante, des choses que font les gens sérieux et que bien sûr j’ignore. Ma correspondante, encore une femme sans nom, me dit de venir avec ce que j’ai, on verra sur place. Ben tiens, un voyage dans l’ex ville nouvelle mal vieillie de Créteil qui ressemble à une prison dont on aurait juste oublié l’enceinte, je n’ai que cela à foutre de mes journées.

Dans le même temps, je suis toujours à la recherche de mon avis d’imposition 2008. Madame Fisc de Paris n’a rien reçu de Madame Fisc de Yerres. Et de toute façon, quand elle recevra le dossier, il faudra compter un à deux mois pour recevoir l’avis. Je regarde autour de moi à la recherche d’un objet contondant qui me permettrait de frapper dans la rue toute personne ayant la tête d’un employé d’administration. Madame Fisc de Paris comprend cependant mes problèmes, et me promet d’accélérer si je lui envoie un double de ma déclaration. Je vais même lui déposer sur place, rue Michel le Comte, c’est sur la route de la piscine Saint-Merri. Où je nage 10 longueurs rageuses pour me calmer, sans reprendre mon souffle. Mes jambes sont raides, je me sens mieux.

L’après-midi compense la matinée. D’abord, je fais ma première vente sur Amazon, nettement plus rentable que Gibert. Ensuite, je reçois la première tête de singe de mon nouveau pote de Bangkok. Elle est parfaite, sauf qu’ils ont dû bouffer l’animal voici peu, elle sent encore la moelle. Enfin, la Poste avait oublié de laisser un avis de passage la semaine dernière, et je récupère dans la foulée deux jolies fouines naturalisées. Toute cette ménagerie macabre devant servir à mes projets photographiques du moment, avec deux ou trois autres accessoires que j’ai déjà ici, dont une pléiade d’insectes congelés — au fait, si vous venez dîner chez moi, mieux vaut à toutes fins utiles vérifier ce qu’il y a dans votre assiette, je suis parfois distrait. Il me manque encore un éclairage en lumière naturelle, et je me colle aux premiers tests.

Toute cette agitation me gave les nerfs. Pour être plus précis, elle me fragmente le cerveau, qui ne peut se concentrer sur les tâches d’importance. Aristote, ou quelque autre sage ancien, disait que l’on ne peut se remplir l’esprit qu’après s’être rempli le ventre. Je goûte la vérité amère de cette évidence, dans une époque ayant rendu la première étape si souvent incompatible avec la seconde. Dans ma grande mansuétude, j’accorde jusqu’à la fin de l’année à tous les paperassiers de France pour me démontrer que j’ai raison de leur faire confiance, c’est-à-dire de gâcher mon temps à me soumettre à leurs requêtes, à jouer le jeu du parfait citoyen, parfait contribuable, parfait assuré social, parfait esclave en un mot. Si ma situation n’est pas clarifiée et simplifiée au prix de cet effort, eh bien je déclencherai de nouveau le plan B : déménagement sans laisser d’adresse, vie parallèle, parfois inconfortable, mais libre.

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