samedi 24 octobre 2009

La sélection du chiare le moins chiant ?

En allant poster des paquets ce matin, je croise des pères de corvée qui mènent leur enfant à l’école voisine. Le père de corvée se reconnaît à sa mine mal réveillée, si tôt un samedi, à son allure gauche, penché pour donner la main à son enfant, parfois à sa clope au bec qui lui attire le regard malveillant de quelques mères hygiénistes et sourcilleuses du bon exemple à donner à la jeunesse dès le plus jeune âge, ces mères qui matent en meute devant l’école, tel un digne troupeau de femelles prêtes à dévorer cru celui qui pourrait menacer un seul cheveu de leur précieuse progéniture.

Je me dis que les mômes sont effectivement une corvée, et je réfléchis qu’à la limite, ils sont une énigme darwinienne. (Les darwiniens sont ces êtres parfois insupportables qui examinent tout phénomène vivant en se demandant s’il est le fruit d’une adaptation sélective, qui posent en gros la question « mais comment a-t-on pu en arriver là ? »). Voilà un être très dépendant, dénué d’autonomie, qui a absolument besoin de ses parents pour survivre, qui a donc dû développer des stratégies de séduction pour capter cet investissement parental en ressources, soins, temps et énergie. Si le môme fait fondre si spontanément les cœurs, c’est aussi pour vider plus facilement les poches.

Et pourtant, cette sélection du chérubin le plus charmant ne fonctionne pas toujours bien, plein d’enfants poussent leurs parents à la séparation pour désaccord sur les corvées ou pertes de libido, et ils les poussent même parfois au crime quand ils hurlent trop dans leur berceau. Mais le problème n’est sans doute pas l’enfant, plutôt la famille nucléaire et séparée apparue avec l’ère bourgeoise. Un dicton africain apocryphe dit qu’il faut un village entier pour élever un enfant. Ce doit être vrai dans toutes les sociétés traditionnelles : les parents n’ont pas en permanence l’enfant dans les pattes, il y a une sorte de collectivisation des charges diverses et variées afférentes à l’élevage du petit animal humain. Ce qui n’existe plus aujourd’hui dans une grande ville moderne, sauf bien sûr les services genre crèche ou école dans la semaine, mais en dehors d’eux, la famille est un huis-clos souvent étouffant, et la stratégie du chérubin n’est pas forcément celle de chacun de ses parents. Surtout quand ça gueule, comme sur cette photo de Diane Arbus (Enfant en pleur, NJ, 1967).



Dans les vingt-quatre heures de ce samedi, plusieurs enfants seront battus ou tués ; plusieurs couples s’engueuleront, se tromperont ou se quitteront avec une enième querelle sur les tâches familiales comme facteur déclencheur. A long terme, cela signifierait que le régime de monogamie nucléaire séparée pourrait aboutir à une sélection positive des enfants les moins chiants, c'est-à-dire les plus adaptés à ce cadre de développement.

Quoique futile et gratuit, voilà qui me semble à tout prendre un motif matinal de réflexion plus intéressant que de savoir si OM-PSG sera reporté, question qui passionne pourtant en boucle France-Info, mais il est vrai que cette radio publique d’information généraliste consacre désormais une bonne moitié de ses plages horaires de week-ends et de soirées à commenter football et rugby.

Je pars à Montgeron dans l’après-midi, plutôt déplumé donc cela sent le Lidl à plein nez, pas trop déprimé donc j’envisage l’hospice paternel avec sérénité. Le plus ennuyeux sera les allers-retours nécessaires pour transvaser une partie de mes affaires vers Paris, celles que je n’abandonne pas à la saisie future.

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