jeudi 8 octobre 2009

Méditations insomniaques

Incroyable et répugnante polémique à retardement autour de Frédéric Mitterrand. Voilà quatre ans que son autobiographie est parue, il suffit que la vache Le Pen meugle un émoi médiatiquement et politiquement programmé pour que les politicards de tous bords montent à l’assaut de l’horriiiiible touriste sexuel. Les socialistes en font des kilotonnes dans l’indignation coincée du cul, surtout la nouvelle génération, cela promet, il faut dire qu’ils ont grandi à l’ombre de la « quakeresse Royal », comme l’appelle justement Matzneff, celle qui veut criminaliser les clients des putes, castrer les auteurs de récidive et de manière générale étouffer les libertés des Français dans les gros seins bienveillants de Big Mother. La France reste le pays de la délation et du lynchage, le caractère répétitif de ces miniscandales suintant la moraline tiède et l’émotion feinte me file la nausée.

Parmi les avantages de ma nouvelle situation chômeuse, les piscines municipales de Paris sont désormais gratuites. J’ai bien fait de prendre un abonnement trimestriel fin août. Le malheur, c’est que je ne trouve pas de temps en ce moment pour m’y rendre. Les vacances de la Toussaint, en libérant les plages horaires monopolisées par les mômes, vont me permettre de reprendre la nage à un rythme plus soutenu. Non seulement elle peaufine mon CORPS de RÊVE, mais elle me détend les nerfs et me rééduque les poumons. Encore faut-il que les bassins parisiens ne ressemblent pas aux plages de la Côte d’Azur un 15 août.

L’activité physique reste un écueil. Avant-hier, sortant du métro Ledru-Rollin vers 22 h, j’ai vu trente gars qui s’entraînaient à un art martial en s’exposant à l’œil public à travers la grande vitre du Club de Gym, celui où vont copines Peggy et Natacha, et aussi copain Stéphane qui soulève de la fonte en loucedé pour essayer de rattraper mon taux de masse musculaire en asymptote victorieuse. Cela m’a refroidi, ces trente pantins qui gesticulaient en silence et dégoulinaient en cadence. Le collectif, ce n’est pas mon truc. Et à en juger par leurs têtes de demeurés, les arts martiaux n’attirent pas des adeptes avec qui j’aurais envie de m’étendre sur le sens de la vie dans les vestiaires.

Réfléchissant aux piscines parisiennes, je décide aussi de m’abonner aux bibliothèques. Encore une révolution culturelle, ma dernière inscription doit dater des bancs de l’école. J’aime bien posséder des livres, en faire ce que je veux, j’ai d’ailleurs des petits rites idiots, je peux mettre une semaine, un mois, un semestre à ouvrir un livre que j’ai acheté, je sais qu’il est là et cela me suffit, j’ai sa présence dans la tête, j’attends l’instant parfait où j’aurai précisément envie de le lire et où il sera là, à portée de ma main. Mais au fond, je ne suis pas accumulateur et des livres, j’en ai vendus (ou j’en ai été saisis) en quantité dépassant largement ce que je possède aujourd’hui. De surcroît, je rate les rentrées littéraires parce que je n’ai aucune envie de claquer 18 ou 20 euros pour tomber sur un Beigbeder ou une autre production jetable et oubliable à l’envi. Bref, mon blocage mental sur les bibliothèques est plus stupide qu’autre chose et quand on repère une de ses stupidités, il faut la soigner.

À propos de lecture, je termine Testo Junkie de Beatriz Preciado, dont on avait parlé au dernier dîner chez copine Sarah et copain PH. Je suis du genre curieux et méthodique, quand on mentionne un bouquin intéressant, je tâche toujours de me le procurer, même trois ans après. Là, mon impression est mitigée. J’aime bien quand l’auteur décrit son expérience de la testostérone en gel, ou bien encore sa relation avec Virginie Despentes, mais j’aime bien moins quand elle fait de la « théorie » – c’est lourd, répétitif, inutilement verbeux et surtout pas très solidement fondé. Mais bon, la première dimension sauve la seconde et dans l’ensemble, j’apprécie les auteurs gays, lesbiens, transgenres, queer, les auteurs faisant d’une certaine expérience du corps l’axe de leur création. Dustan et Duvert figurent à mon panthéon, le second plus haut que le premier.

Je lis aussi des polars en quantité illimitée, ce qui fait d’ailleurs une raison de plus de m’abonner aux bibliothèques parisiennes. Après une phase Ellroy m’ayant vu engloutir quelques milliers de pages en deux mois, je reviens ces temps-ci aux fameux « polars nordiques » avec les Sjöwall et Wahlöö des années 1960. La Scandinavie est à la mode chez les amateurs de polar, on signale dans Books que deux écrivains viennent de faire scandale en Suède en publiant sous pseudo un roman policier, vendu à 100.000 exemplaires en quelques semaines et dont les droits étrangers leur ont rapporté 850.000 euros. On leur a reproché une démarche mercantile trahissant la « vraie » littérature, je trouve ce blâme con, il y a plus de littérature dans No country for old men ou dans The big nowhere que dans Nothomb, Beigbeder, Lévy et Musso réunis. Ce que j’aime dans les polars scandinaves, c’est le dépaysement psychologique, la distance est réelle d’avec les contrées latines, les rapports humains y ont quelque chose d’étrange, rudes, directs, plats aussi, une impression de transparence froide. Et puis j’aime le Nord en général, les masses humaines se sont toujours concentrées autour des Tropiques, les Pôles sont déserts, leur vide est serein, leur fraîcheur salutaire, leur lumière belle.

Dans La lettre volée, Auguste Dupin finit par retrouver une précieuse missive ayant échappé à toutes les recherches précédentes des policiers. Il m’est arrivé un truc du même genre, il faudrait appeler cela la lettre rêvée. Depuis une semaine, j’étais furieux de ne pas retrouver le chargeur de batterie de mon caméscope Sony, que je souhaite vendre (car le chômage a du bon, sauf pour les revenus). Impossible de mettre la main dessus, je faisais l’hypothèse de l’avoir perdu cet été en Estonie, avec le câble d’alimentation de mon Mac (sans doute un effet pervers du régime vodka-beef jerky). Et hier soir, je regarde pour la quinzième fois les composantes du pack Sony… et je comprends ! Il y a une petite station que l’on peut connecter à la fois au courant et à l’ordinateur. Je pensais qu’elle servait seulement à transférer les images, mais elle fait office également de chargeur de batterie. Donc, je cherchais en vain un chargeur que je n’avais jamais possédé.

250 g de crevettes, un steak haché, six œufs m’ont coûté 5,50 euros au Franprix un coin. A ce prix-là, vous n’avez pas du Fauchon. Mais ça cale. Et puis il faut bien dîner à hauteur de son nouveau statut social. Je ne réussis pas à faire protéines pures, je termine quelques tranches de pain complet rassis, et je teste le quinoa bio. Le sachet me dit qu’il était cultivé par les Incas. Je comprends mieux que les Incas aient été rayés de la carte.

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